Parmesan, jambon de Parme, mortadelle, tagliatelle, pâtes farcies (tortellini), vinaigre balsamique de Modène et bien d’autres mets délicieux sont originaires de l’Émilie-Romagne. Si à « Bologne la grasse » et dans toute la région le cochon est roi, il serait injuste de limiter la cuisine locale à la mortadelle de Bologne et au jambon de Parme.
La cuisine d’Émilie-Romagne est considérée à juste titre comme une des plus riches d’Italie, il faut dire que l’Emilie et la Romagne sont historiquement deux régions distinctes avec des traditions anciennes qui leurs sont propres. Plusieurs vins locaux rouges, blancs et pétillants sont également réputés dans ces deux régions où le bien manger fait parti de la tradition et de l’art de vivre.
La tradition culinaire ne date pas d’hier dans l’Emilie-Romagne urbaine où des banquets fastueux s’étalaient sur plusieurs jours il y a fort longtemps. Ces festins se déroulaient dans des cités qui voulaient afficher leur richesse et leur puissance. Les banquets de la famille d’Este à Ferrare sont particulièrement remarqués dès le Moyen Age. Ces festins donnés par les ducs de Ferrare sont élevés au rang d’art à la Renaissance. Des chefs cuisiniers réputés comme Cristoforo di Messisbugo organisaient alors banquets et repas princiers. La cuisine contemporaine émilienne et romagnole n’a que peu de rapport avec les fastes de la Renaissance même si on peut encore la qualifier de riche avec son utilisation fréquente des pâtes fraiches aux oeufs et farcies.
Le repas traditionnel en Emilie-Romagne peut débuter par un plat de charcuterie accompagné de Gnocco Fritto, spécialité originaire des provinces de Reggio Emilia et Modène qui n’a rien à voir avec les gnocchis de pomme de terre. Les gnocci fritti (cuits dans le saindoux) sont constitués de pâte à pain et souvent agrémentés de jambon de parme mais l’antipasti peut aussi proposer melon et jambon de Parme, de fromage ou autres charcuteries.
Pâtes fraiches et sèches
L’Émilie-Romagne est célèbre pour ces nombreuses pâtes aux oeufs absolument savoureuses proposées à différentes farces (viandes, ricotta, artichaut, asperge, courge, betterave ‘ravioli di rape rosse’…). Parmi les pâtes typiques de cette région, on peut se régaler avec :
- Anolini : pâtes fraîches farcies servies à Parme. A Plaisance, les anolini sont plus petits. On peut les mettre dans un bouillon de volaille (anolini al brodo).
- Bazott
- Cappellacci : originaires de la région de Ferrare, parfois appelés « Caplaz », ces pâtes fraîches ont une forme de chapeau. Le bouillon de chapon (cappone) dégraissé se marie bien avec la cuisson des cappellacci et cappelletti.
- Cappelletti (principalement en Émilie) et déjà mangés au Moyen-Age sous le nom de « galoza ». On peut les servir dans un bouillon de volaille, ou encore mieux dans un fin bouillon de chapon.
- Garganelli
- Gramigna, pâtes courtes aux courbes musicales.
- Lasagne
- Maltagliati qu’on peut traduire par « mal coupés » confectionnées à partir de chutes de Lasagne. On les retrouve de forme triangulaire dans la cuisine de Lombardie et elles sont aussi utilisées dans des recettes typiques de la Vénétie et d’autres régions italiennes.
- Passatelli également populaires dans la cuisine des Marches, cette sorte de gros spaghetti de forme irrégulière peut être dégusté dans un bouillon (passatelli in brodo Romagnoli ou au ragù de viande ou de poisson). Dans le Latium, et plus précisément à Rome, les passatelli cuits dans du bouillon sont considérés comme un plat de fête.
- Pisarei
- Strichetti : A Bologne ou à Parme, les restaurants vous proposeront peut-être des strichetti et galani, la version régionale des farfalle, pâtes courtes en forme de papillon.
- Strozzapreti
- Tagliatelle, spécialité de Bologne proposée en différentes tailles et variétés et souvent accompagnée d’une sauce « al ragù » ou « al ragù bianco« .
- Tortelli, tortelloni : pâtes farcies (généralement ricotta et épinard) originaires de la vallée du Pô qui datent du 12e siècle. Les tortelli à la courge sont une spécialité typiquement Emilienne.
- Tortellini : autres pâtes farcies à la forme en anneaux servies les jours de fête.
Une liste impressionnante qui représente le fleuron des pâtes de l’Italie du Nord même si d’autres types de pâtes peuvent être proposés (les pappardelle sont parfois appelés larghissime en Emilie-Romagne). Seule la cuisine de Campanie peut rivaliser avec l’Émilie-Romagne en matière de spécialités de pâtes artisanales proposées. On utilise également les macaroni dans des recettes comme le pasticcio de Ferrare, une tourte aux pigeonneaux.
La sauce à la viande plutôt nommée « al ragu » qu »à la bolognaise » dans la région accompagne très bien la plupart des pâtes locales. A Bologne, cette recette qui a fait le tour du monde est réalisée avec du jambon plutôt qu’avec de la saucisse. Il existe aussi une sauce à la viande sans tomate appelée Ragù bianco ou parfois « Bolognese bianca ». La sauce au canard (appelée anatra ou parfois germano) est aussi populaire.
Pour une alternative végétarienne, demandez la sauce Friggionne, une spécialité d’Emilie à base de tomate et oignon avec parmesan en option. Ou bien vous pouvez demander à n’importe quel restaurant une simple sauce beurre + parmesan ou encore une sauce tomate pour accompagner votre plat de pâtes.
Le riz est aussi apprécié. On l’utilise dans des plats comme le risotto à la crème de parmesan. La polenta est également régulièrement présente sur la table Emilienne ou Romagnole.
Si le gnocco fritto est une spécialité de rue typique de l’Émilie, la Romagne est quand à elle célèbre en Italie pour la piadina, un pain plat à base de farine de froment, de saindoux ou d’huile d’olive, de sel et d’eau. Cette spécialité romagnole originaire de Cesena est surnommée « pain des pauvres » et sa notoriété dépasse les frontières régionales. La piadina a conquis les Apennins et presque toute l’Italie. Agrémentée de charcuterie ou de fromage, elle peut faire office de déjeuner sur le pouce ou d’en-cas qu’on mange au bar ou dans la rue. A Reggio Emilia, c’est l’erbazzone, une tourte aux légumes (généralement des épinards) qui est proposée dans de nombreuses boulangeries, cafés et bars.
Fromages et charcuterie à foison
Le très populaier vinaigre balsamique provient des villes de Modène et de Reggio Emilia. Et pourtant, nombreux sont ceux qui n’ont jamais goûté le vrai « or noir » de Modène, en Italie. Il faut en effet 12 ans pour produire le meilleur aceto balsamico tradizionale (vinaigre balsamique traditionnel) et au moins 25 ans pour produire le meilleur extra Vecchio. Son prix peut dépasser les 1000€ le litre. L’harmonie aigre-douce du vinaigre peut être utilisée dans diverses recettes, simples salades ou recettes de viandes comme l’entrecôte de boeuf au vinaigre balsamique (bistecche all’acetato balsamico) et même dans les desserts. Le vinaigre balsamique traditionnel est si cher qu’il est servi à la goutte. La production de la région est limitée à environ 8 000 litres par an et la confusion règne sur le marché en raison des stratégies d’étiquetage et de l’utilisation ignorante des termes dans les marques de grande distribution, ainsi que des contrefaçons et des produits de qualité inférieure. Il faut retenir que le vinaigre balsamique qui ne porte pas la mention « tradizionale » (traditionnel) est un mélange de vinaigre de vin et de moût de raisin, élaboré à partir de raisins sans provenance particulière et vieilli dans des fûts de bois ou d’acier pendant quelques mois seulement.
Le parmesan, originaire de Parme, Modène, Bologne et Reggio Emilia, est très utilisé dans le cuisine italienne et internationale. Déjà mentionné au XIVe siècle, ce fromage au lait cru de vache est de nos jours utilisé râpé ou en copeaux pour accompagner pâtes, risotto, légumes dans un nombre incalculable de recettes… L’appellation AOP officielle protégée par l’Union Européenne est le parmigiano reggiano. Pour avoir l’appellation parmesan le fromage doit être produit dans les provinces de Parme, Reggio Emilia, Modène, Bologne et Mantoue (Lombardie). Le parmesan 12 mois d’affinage est plus acide et moins granuleux que ses ainés, on peut l’utiliser à l’apéritif ou avec une salade de tomate. On le trouve sur les marchés des parmesans âgés de 30 mois. Il est également possible de trouver des fromages âgés de 36, 48 et 72 mois lors d’importantes manifestations gastronomiques et dans des magasins spécialisés avec dégustation.
On peut utiliser les croûtes de parmesan pour relever le goût des bouillons ou du risotto pendant sa cuisson. Le parmesan réalisé à partir du lait des vaches de locales (Vacca Bianca Modenese, bianca val Padana, Reggiana) est en effet un des fromages possédant la saveur Umami, il serait fâcheux de ne pas l’utiliser entièrement.
La Grana Padano, moins célèbre et également moins cher que le parmesan, est produit dans toute la région et ailleurs en Italie. La Grana Padano est le fromage italien le plus produit devant le Gorgonzola et le Parmesan. Le Raviggiolo est un fromage frais de vache fabriqué dans l’Appenin tosco-romagnole. Comme à peu près partout en Italie, le pecorino est fabriqué en Emilie-Romagne : Pecorino dell’Appennino Reggiano et Pecorino dolce dei Colli Bolognesi sont recensés par le mouvement slowfood.
La Romagne a une ouverture sur la mer Adriatique et on pêche coquillages et anguilles au large des provinces de Ferrara, Cesena-Forli, Ravenne, Rimini. L’anguille traditionnelle marinée de Valli di Comacchio est proposée en conserves. Le brodetto est une soupe de poisson typique de l’Adriatique et particulièrement de la Romagne. Le sel marin de Cervia au sud de la station balnéaire Milano Marittima est prisé par le mouvement slowfood. L’Omble chevalier du petit parc Corno alle Scale (situé dans les Apennins) est un poisson d’eau douce également réputé. La ville de Ferrara est la capitale historique de la pêche à l’esturgeon. Dans cette région, on peut y déguster le fameux caviale alla ferrarese, qui contrairement au caviar classique est cuit.
L’Emilie-Romagne aussi est réputée pour ses viandes et charcuteries dont certaines sont faites à partir de race de cochon Mora Romagnola. On ne présente plus le jambon de Parme, mais d’autres charcuteries de cette très riche région sont également remarquables : la spalla cruda produite dans la Bassa Parmense (une bande de territoire de la province de Parme), le Culatello de Zibello, la Pancetta de Piacenza, la Mortadelle de Bologne (Mortadella classica di Bologna), la Salama da sugo typique de Ferrare, la Coppa, la Mariola ou encore le saucisson Felino. Le pied de cochon (Zampone et Cotechino) sont également très appréciés des locaux et des italiens en général, notamment à la période de Noël. On a tendance à confondre Zampone et Cotechino dont les goûts sont assez proches. Il s’agit bien de deux saucisses différentes : le zampone est farci de plusieurs viandes hachées et assaisonnées alors que le cotechino contient du museau de porc.
La Spalla romagnole (épaule de cochon) est une charcuterie très fine qu’on trouve plus en Romagne qu’en Émilie.
Le veau est aussi apprécié dans la région, il peut être cuisiné en escalopes à la bolognaise (cotolette alla bolognese avec tranches de jambons, truffe noire et fromage râpé).
Dans le delta du Pô, on vous servira peut-être le pasticcio de Ferrare, une tourte au pigeonneau et à la sauce béchamel presque aussi populaire que les délicieux tortelli. Autre spécialité de Ferrare introuvable en dehors de la botte, la salama da sugo (aussi appelée salamina) est une saucisse qui bénéficie du label Indication Géographique Protégée (IGP). Autre saucisse régionale à base de porc qui bénéficie du label IGP, le cappello del Prete (« chapeau du prêtre ») est typique du nord est de la province de Plaisance et du Bassa Parmense. La race de vache Romagnola est aujourd’hui utilisée uniquement pour sa viande.
Les cultures typiques de la plaine du Pô sont les fruits, les légumes et les céréales. L’Émilie se consacre principalement à la production de blé, tandis qu’en Romagne, on cultive des arbres fruitiers et des vignes. Parmi les cultures fruitières, la région est le premier producteur italien de pêches et de poires.
Côté légumes locaux typiques notables, on peut citer l’aubergine de Rimini (melanzana violetta lunga di Rimini).
Fruits de saison et desserts régionaux
De nombreux fruits remarquables sont cultivés sur le territoire de l’Apennin Romagnole comme la petite poire cocomerina mais d’autres variétés poussent dans la région : poire Scipiona, poire Spadona et poire Volpina.
On peut aussi citer de variétés de pommes locales comme la Mela Commercio, la Mela Francesca et la pomme rose de Mantoue (Mela rosa Mantovana).
L’Emilie est une des territoires qui produit le plus de kaki de toute l’Italie (plus de 20 000 tonnes / an).
Le raisin n’est pas utilisé uniquement pour le vin et le vinaigre balsamique, on l’exploite aussi pour préparer le Savor Modenese, une confiture typique de l’Émilie. La recette veut que les fruits soient confits dans le moût de raisin. Le savor est consommé principalement en hiver et entre dans la préparation de plusieurs gâteaux de Noël.
La Crescentina aussi appelée Tigella est un pain originaire des Apennins qu’on peut se procurer dans les environs de la ville de Modène. La piadina romagnole peut être garnie de nutella. Au rayon des desserts, on citera la sacro-sainte Zuppa Inglese qui fit son apparition dans les villes de Ferrare et Bologne au 19e siècle, le Panpepato, un gâteau de Noël au chocolat, poivre, épices et amandes ou encore la torta de riso, un gâteau de riz à la fleur d’orange et aux amandes. La torta di tagliatelle est un dessert typiquement de l’Emilie composé d’une pâte brisée, d’une garniture d’amandes, de cédrat confit, de sucre, liqueur et de véritables pâtes aux œufs, cuites traditionnellement mais sans sel. Un dessert parfait pour le déjeuner du dimanche.
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