Cu mangia fa muddichi, celui qui mange fait des miettes – dicton sicilien
La Sicile fut le grenier à blé des Romains et la cuisine sicilienne a été influencée par différentes civilisations qui ont peuplé l’île tout au long de son histoire chargée. Même si la cuisine de cette région insulaire a beaucoup de chose en commun avec la cuisine du sud de l’Italie, elle a aussi hérité d’influences, grecques, espagnoles, françaises et arabes ce qui la rend unique. Parmi les envahisseurs qui se sont succédé en Sicile, ce sont surtout les Arabes qui ont laissé le plus grand héritage culinaire sur le sol sicilien du fait de leur longue domination entre IXe et le XIe siècle. On leur doit entre autres choses les pâtes qu’ils importèrent en Sicile bien avant la légende italienne de Marco Polo. Souvent décrite comme saine, cette cuisine insulaire authentique est surtout riche et variée selon qu’on se trouve à l’est ou à l’ouest de l’île, dans les terres ou sur le littoral. En route pour une explosion de goûts et de saveurs !
La nourriture semble omniprésente en Sicile et vous verrez de nombreux habitants manger des Arrancini et autres spécialités au bar ou dans la rue avant même le repas. Ces boulettes de riz farcies et frites rondes et triangulaires sont délicieuses quand elles viennent d’être confectionnées.
Les arrancini di riso tirent leur nom de leur vague ressemblance avec l’orange. Les arrancini (ou arrancine) sont typiques de Messine et de Palerme, mais ils ont été adoptés dans toute la Sicile. Une légende clame que cette spécialité sicilienne est due aux religieuses des couvents. Le foklore raconte que les arrancini proviendraient de riches demeures siciliennes. La réalité est sans doute que cette délicieuse boule de riz remplie provient de la tradition de la cuisine populaire sicilienne, où les restes sont souvent habilement recyclés avec imagination et goût.
Vous pouvez aussi commencer votre repas ou prendre un apéro avec une délicieuse Bruschetta d’aubergine ou de courgette (Bruschetta alle Melanzane & Bruschetta di zucchine). Les siciliens proposent également des très bonnes bruschette aux poivrons (Bruschetta ai Peperoni) et la classique à la tomate qui peut être pimentée (Bruschetta all’Arrabbiata).
Aubergine en antipasti mais pas seulement
En antipasti, la salade de poulpe est une entrée typique que l’on retrouve partout sur l’île. La caponata est un autre plat délicieux à base d’aubergines, qu’elle soit servie froide ou chaude. Bien d’autres spécialités utilisent l’aubergine sur l’île comme les délicieuses involtini di melanzane alla siciliana, un plat du dimanche ou des grandes occasions également à base d’aubergine, donc. Il faut dire que l’aubergine a été longtemps un substitut de la viande pour les familles siciliennes qui ne pouvaient pas se procurer de viande faute d’argent. Les siciliens ont ainsi créé de multiples recettes végétariennes avec cette « mauvaise pomme » à la saveur intense. Aujourd’hui encore, malgré l’élévation du niveau de vie, l’aubergine est largement utilisée dans les recette siciliennes, qu’elle soit frite, panée ou farcie. L’aubergine ronde et violette dite Tunisienne car importée en Sicile par les arabes est la plus courante mais vous pourrez en savourer bien d’autres.
On ne peut pas mentionner l’aubergine sans aborder la délicieuse parmigiana. Ce plat (appelé parmigiana di melanzane ou encore melanzane alla parmigiana) constitué d’aubergines frites passées au four avec coulis de tomate, basilique, ail et fromages (au choix pecorino sicilien, mozzarella, scamorza ou caciocavallo) est aussi populaire dans le sud de l’Italie. Aujourd’hui encore le débat n’est pas tranché et les discussions vont bon train pour savoir si la parmigiana doit être associée à la cuisine de la région de Naples ou à la gastronomie sicilienne.
Si l’aubergine est populaire partout sur l’île, la tomate l’est sans doute tout autant. La Sicile est un important producteur et exporte à l’internationale les variétés pachino et datterino. La tomate merinda est utilisée en salade et au four. La variété pizzutello se déguste souvent crue. On peut aussi citer la tomate siccagno qui pousse dans l’arrière-pays du côté de Valledolmo et Villalba. La seccagno di Salina pousse elle comme son nom l’indique sur l’île éolienne. La variété nerina est de forme ovale. Elle est cultivée en Sicile mais aussi en Sardaigne comme les tomates vraicamone et carmone. Citons aussi la grappolo qui comme son nom l’indique est une tomate grappe.
Des soupes peuvent également être au menu comme le Maccu, une soupe paysanne sicilienne à base des pois cassés ou de fèves (les Romains ont apporté les légumineuses en Sicile). La soupe de pousses de courgette serpent (ministra di tinirumi) est aussi appréciée . Le 13 décembre, les siciliens mangent la cucci di Santa Lucia, une soupe de blé et légumes secs en hommage à Sainte Lucie.
Mais vous préférerez peut-être les spectaculaires soupes de poisson de la Méditerranée. Il faudrait d’ailleurs parler de cuisines siciliennes au pluriel tant les traditions et influences peuvent varier d’une partie à l’autre de l’île. Vous mangerez sans doute plus sucré à l’ouest de l’île du côté de Trapani du fait d’une influence arabe plus prononcée. Dans les grandes villes, on peut déguster de nombreuses spécialités rues. De grosses différences existent également entre la Sicile des terres et le littoral et les îles. On peut découper grossièrement la gastronomie de l’île en plusieurs cuisines régionales :
- Spécialités culinaires de Trapani
- Cuisine de Messine aux accents grecs
- Gastronomie capitale à Palerme
- Cuisine de rue à Catane
- Spécialités d’Agrigente, entre mer et montagne
- Ancestrale cuisine de Syrasuse
- Fromage et pain à Ragusa
Les pâtes traditionnelles de Sicile
La longue période de domination arabe en Siqilliah coïncide avec l’introduction de nouvelles techniques et de nouvelles denrées sur l’île. Parmi elles, les pâtes sèches semblent arriver en Sicile très tôt, au Xe-XI siècle, en provenance du monde islamique. Le géographe Al Idrissi, auteur du Livre de Roger (« Livre des voyages agréables dans des pays lointains ») les nomme « Itriyya ». En italien on leur donnera le nom de « tri »ou « tria ».
Aujourd’hui, les spécialités à base de pâtes typiquement siciliennes ne manquent pas. Goûtez les pâtes suivantes lors de votre visite sur l’île :
- Anelli, petits anneaux souvent utilisés au four en gratin ou timbale. Les aneletti al forno sont une spécialité de la province de Palerme mais ces petites pâtes rondes ont séduit toute l’île. Elle sont souvent servies avec un ragu de viande classique agrémenté de petits pois. Parmi les nombreuses variantes de ce mode de préparation, certaines prévoient l’utilisation de jambon, d’aubergine, d’œuf dur dans la garniture intérieure, d’autres de mozzarella, d’autres encore de pecorino. Dans certaines épiceries fines, on le trouve également en portions individuelles, appelées localement « timballetti ».
- Busiate : Pâtes courtes. Les busiate trapanesi sont une spécialité culinaire originaire de la province de Trapani. Ils ont la même forme que les fusilli avellinesi mais sont un peu plus larges que ces fusilli utilisés dans la cuisine de la région Campanie.
- Cannaruzzini
- Catanesella
- Cuscusu
- Lasagne cacate
Le pesto alla siciliana ou le pesto alla trapanese accompagnent parfaitement ces pâtes régionales mais il existe en réalité un grand nombre de sauces siciliennes qui se marient avec les pâtes. Les « spaghetti ai ricci » (oursins), la “pasta con le sarde” (sardine), la “pasta alla Norma” (avec les sacro-saintes aubergines et dont le nom rend hommage à l’opéra éponyme du natif de Catane Vincenzo Bellini) sont parmi les spécialités de pâtes qu’on voit le plus souvent dans les menus des restaurants siciliens. De nombreuses autres recettes de pâtes existent sur cette île luxuriante, comme les Spaghetti alla Turiddu, une recette simple et rapide ambiance « spaghetti de minuit ».
Goûtez aussi si vous les trouver à la pasta ‘ncasciata (qu’on peut traduire par un plat de pâtes compressées), une spécialité culinaire baroque qui mélange abats, jambon, mozzarella, pecorino, aubergines et tomates. Que vos vacances balnéaires ne vous laissent pas penser que les siciliens n’aiment pas la viande. Ils en raffolent et la région est la plus grosse productrice de viande de chevreau d’Italie avec les Pouilles.
On vous proposera bien d’autres spécialités locales et plats à base de poissons et de fruits de mer qui pullulent au large des côtes siciliennes comme en témoigne le spectaculaire marché de Catane, sans doute le plus riche marché aux poissons de toute l’Italie.On y trouve un nombre incalculable de poissons, mollusques et crustacés. C’est dans le golfe de Catane qu’on pêche la Masculina da magghia, un anchois répertorié par le mouvement slow food.
Si vous avez encore faim, goûtez à l’espadon (“pesce spada alla ghiotta”) accompagné d’une sauce salmoriglio (huile d’olive, jus de citron, origan et sel), au thon, aux sardines fraîches, aux vongole (petites coques) ou au délicieux couscous sicilien, le “couscous al pesce” spécialité de la province de Trapani, mais vous pourrez en réalité le manger dans de nombreuses autres villes siciliennes. Les spécialités siciliennes à base de poisson sont multiples, le cabillaud est prisé sur l’île, il est cuisiné à la sicilienne (merluzzo alla siciliana) avec anchois, olives noires et chapelure.
Soupes, pâtes, poissons et viandes peuvent être agrémentés de multiples légumes qui poussent sur l’île par exemple la réputée fève de Leonforte (Fava Larga di Leonforte) qui pousse dans la province d’Enna dans le centre du pays.
De nombreux fromages sont proposés dans les différentes provinces et la ricotta salée est un produit emblématique de l’île mais il en existe bien d’autres : piacentino d’Enna, pecorino, provola, ricotta au four ou non (Ricotta infornata). On utilise le lait de la chèvre argentata de l’Etna, une race endémique, pour faire une ricotta au goût unique. Reportez-vous aux pages consacrées aux spécialités culinaires des différentes provinces siciliennes pour plus de détail.
Pour les végétariens, l’aubergine n’est jamais loin et on peut déguster la cutuletta di milinciani, des côtelettes d’aubergine qui remplacent la viande dans la plus pure tradition de la « cuisine pauvre » du sud de l’Italie. On aime également manger des rouleaux d’aubergines au caciocavallo (a milinciana arrutulata).
Fruits, glaces et pâtisseries
Les desserts siciliens sont globalement excellents et très différents car ils peuvent être d’influence française, arabe avec entre autre le jasmin utilisé dans les glaces, italienne, etc. La cassata est un gâteau à base de fromage (ricotta), d’une génoise, de pâte d’amande, de fruits confits et d’un glaçage sucre. Historiquement confectionné à la période de Pâques, la cassata est désormais proposée toute l’année dans de nombreux restaurants en Italie ou à l’international. Le cannolo (cannoli siciliani) est une autre pâtisserie sicilienne très populaire dans toute la botte. Les cannoli sont composés d’une croûte frite et garnis d’une farce savoureuse à base de ricotta. La Cuddrireddra di Delia est un beignet à la cannelle consommé principalement dans la province de Caltanissetta.
La Pignolata est une pâtisserie originaire de la ville de Messine. Son nom officiel est pignolata di Messina. Ce dessert est un des fleurons de la pâtisserie sur la côte est de la Sicile, de même que la torta Savoia. On retrouve des variantes de cette recette dans la province de Ragusa et c’est également une spécialité calabraise très populaire, de l’autre côté du détroit de Messine. La pignolata ne doit pas être confondue avec un autre dessert sicilien, la pignoccata, historiquement confectionnée autour de Modica et désormais proposée sur toute l’île. Aussi appellé Mpagnuccata par les siciliens, la pignoccata ressemble à une pomme de pain.
Cannoli vs baba napolitain, il y a match
Il faudrait consacrer une page aux nombreux délices qui proviennent des pentes de l’Etna, ce volcan en activité au sol très fertile. Si vous passez autour de la ville de Bronte, ne manquez pas de goûtez au célèbre nougat aux pistaches qui provient de la province de Catane, le réputé torrone di bronte que vous pourrez déguster en Sicile ou ramenez comme souvenir de votre périple. Bien évidemment, les glaces siciliennes et pâtisseries sont souvent excellentes. Goûtez la glace à la brioche (Brioche con Gelato) servie du côté de Catane avec parfums de Noisettes et pistaches en provenance de l’Etna.
Les glaces et la granita sont d’ailleurs très présentes sur toute l’île et délicieuses dans leurs versions artisanales. D’autres mets fantastiques proviennent du sol riche du volcan : citrons, amandes et miel sont cultivés sur différents versants de cette inquiétante mais luxuriante montagne fumeuse. On trouve des fruits de qualité à proximité mais également loin du volcan. La pêche tardive de Leonforte récoltée en automne est souvent dénommée « settembrina » par les locaux. Sur l’Etna pousse la pesca Tabacchiera dell’Etna, une variété de pêche plate.
Difficile de parler de fruits siciliens sans mentionner les agrumes et en particulier l’orange qui est une des emblèmes de l’île. Diffusée su l’île au IXe siècle sous la domination Arabe, c’est au XVe siècle que la Sicile s’établit en producteur d’oranges important. Au fil des siècles, l’orange amère est devenue un fruit doux et sucré qui n’est pas uniquement utilisé dans les desserts.
On distingue trois variétés classées d’oranges rouges siciliennes (indication géographique protégée) :
- L’ orange dite Tarocco : très sucrée
- La variété Moro : facilement reconnaissable car petite et acide
- La variété Sanguinello à chair violette.
L’orange rouge de Sicile provient des provinces du centre et sud-est de Sicile : Catane, Enna, Ragusa et Syracuse.
La chair tendre des figues de Barbarie qui poussent sur l’île est abondamment utilisée dans les recettes de desserts siciliens. Environ 90% des figues de barbarie vendues en Italie proviennent de Sicile.
Nectar sicilien prestigieux, le miel de Barrafranca est récolté dans la province de Enna. Les abeilles noires de Sicile sont une espèce endémique à l’île que les apiculteurs siciliens transportent dans différents territoires y compris dans les îles volcaniques.
Vins rouges, blancs et digestifs : la Sicile propose également de nombreux crus DOC sans oublier le traditionnel « vino della casa ».
En résumé, il faudrait un livre pour parler correctement l’art culinaire sicilien.